Elle n'était jamais montée sur un tracteur... Si ses grands-parents et son oncle étaient bien agriculteurs, à Férolles, dans le Loiret, Flavie Delattre avait, elle, choisi une carrière dans l'économie sociale et familiale, après des études dans ce domaine. « Mon travail me plaisait, mais il n'y avait personne, dans la famille, pour reprendre la ferme », dit-elle.
« Construire quelque chose pour moi »
Elle voit le potentiel de ces 140 hectares, essentiellement en production de céréales. « Et la possibilité de construire quelque chose pour moi », ajoute la nouvelle présidente. Elle retourne à l'école, passe un BTS ACSE (analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole) à l'École supérieure d'agriculture d'Angers, puis s'installe, au début de l'année 2020.
Partager la réussite
Mais « travailler seule ne m'intéresse pas », enchaîne Flavie Delattre. Elle aime les échanges, la co-construction des solutions et la répartition du succès. « La réussite est plus puissante lorsqu'elle est partagée », assure-t-elle. D'ailleurs, elle-même s'entoure sur son exploitation : elle travaille ainsi avec un voisin agriculteur depuis 18 mois, pour les travaux agricoles et la mise en commun du matériel. « De plus, j'embauche des saisonniers pour certains travaux, notamment la récolte des asperges », ajoute-t-elle.
Et c'est donc tout naturellement qu'elle rejoint d'abord le conseil d'administration de la coopérative régionale, Axéréal, puis celui du pôle de compétitivité sur le végétal, Vegepolys Valley – jusqu'à y être élue à la présidence, en juin 2023.
Stimuler la R&D
Réparties sur sept sites, de l'Auvergne-Rhône à la Bretagne, les activités du pôle rassemblent, autour du végétal, quelque 500 adhérents aux profils variés, puisqu'ils vont des coopératives à d'autres organisations – start-up et grands groupes, du secteur agricole et agroalimentaire, d'instituts de recherche à des organismes de formation et des acteurs spécialisés, notamment dans les drones.
De l'amont à l'aval, l'ambition est de stimuler, grâce à la recherche, la co-conception d'innovations, pour une production végétale de qualité et un développement des usages alimentaires et non alimentaires des végétaux, puis d'amener ces innovations sur le terrain.
Innovations en tous genres
Une philosophie en parfaite harmonie avec celle de Flavie Delattre. Non seulement elle a déjà innové et s'est diversifiée, en lançant sur son exploitation la culture d'asperges blanches, traditionnelle en Sologne, et de miscanthus, pour des chaudières biomasse et du paillage, mais en plus, elle est persuadée qu'au-delà de la technologie (robots, drones, outils d'aide à la décision...), l'innovation sera bien sûr environnementale, dans la santé et les usages, mais également sociale et sociétale.
Une transition déjà lancée
Face aux défis d'aujourd'hui – de la crise climatique aux contraintes énergétiques et phytosanitaires, des tensions géopolitiques aux difficultés concernant les revenus des producteurs, elle est convaincue de la capacité de résilience et d'évolution des acteurs du secteur. D'ailleurs, « le virage est en cours », se réjouit Flavie Delattre. Elle veut l'accompagner grâce à sa position stratégique à Vegepolys Valley.
Formation, financement, ouverture à l'international
En plus des activités de base du pôle sur le végétal, la nouvelle présidente veut également mettre l'accent sur d'autres sujets, dont la formation, un maillage plus fin des réseaux pour mieux épauler les adhérents, l'accès au financement et une ouverture sur l'international. « Si des innovations sont déjà en place ailleurs, alors autant les utiliser et les tester chez nous », résume-t-elle à cet égard.
« Les vacances, ça existe »
En outre, elle note un changement dans les profils, promesse de nouvelles évolutions. Les producteurs agricoles sont désormais plus jeunes, évidemment, parfois en double activité (à la ferme et avec un emploi salarié ailleurs), ou venant d'autres horizons que l'agriculture. De quoi entraîner des façons de faire différentes.
Les nouveaux agriculteurs sont ainsi soucieux de diversifier les cultures et les modèles de production ainsi que les débouchés (de la santé à la cosmétique, des agro-matériaux au végétal urbain). Et bien sûr, ils sont aussi en quête d'une vie « normale ». Ce qui implique, une fois de plus, le partage, sous forme de collaboration et de mutualisation des équipements ou des services, par exemple. « Pour eux, tranche-t-elle, les vacances, ça existe. »
Les femmes à la manœuvre
Une mutation sociale, donc, et qui passera d'ailleurs aussi par les femmes. Pour l'heure, il lui arrive encore de créer la surprise quand elle indique que le patron, à la ferme, c'est elle. Et elle regrette que le matériel, dont les tracteurs, soit mal adapté à la morphologie féminine. « Mais les choses vont changer », assure-t-elle.
Flavie Delattre, qui a la jeunesse, la vision et l'énergie nécessaires à cette révolution à 360°, a clairement l'intention d'y contribuer, notamment grâce à sa fonction de présidente de Vegepolys Valley.
