Les méventes de vins d'Alsace inquiètent la profession viticole

Manifestation agriculteurs et viticulteurs

À Molsheim, dans le Bas-Rhin, agriculteurs et viticulteurs sont associés pour dénoncer les lois de libre-échange votées par l'Union européenne, la taxation sur le GNR et exprimer leurs inquiétudes globales des filières confrontées à des méventes.

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Profitant des manifestations, des anciens et des actuels représentants professionnels de la viticulture alsacienne exposent la situation de la filière des vins d’Alsace qui est, selon eux, préoccupante, comme pour la plupart des vignobles français...

« En 2010, nous arrivions à un produit brut par hectare de plus de 20.000 €, il se situe désormais autour de 11.000 €/ha », indique Raymond Baltenweck, ancien président de l’AVA. Un chiffre plus bas en réalité pour certains cépages comme le sylvaner ou le gewurztraminer lorsqu’il est vendu en vrac, et plus élevé lorsque les productions en raisin sont contractualisées avec une coopérative.

Raymond Baltenweck dit partager la même inquiétude au sujet des ventes de vins d’Alsace, avec certains des représentants professionnels de la filière.

Les ventes de décembre indiquent une capacité de mise en marché de 925.000 hl et les projections se situent autour des 900.000 hl pour 2024. « Avec une récolte qui dépasse le million d’hectolitres en 2023, on se retrouve face à un excédent structurel », estime-t-il. Excédent correspondant à entre 1.000 et 1.500 ha de vignoble.

« Ce qui fonctionne en Champagne n’est pas applicable en Alsace »

« Tout le monde est conscient du problème de surproduction, mais personne ne semble, à ce stade, vouloir aborder le sujet parmi ceux qui pilotent l’appellation. » Raymond Baltenweck ne croit guère aux mécanismes de blocage de volumes mis en marché, comme la réserve qualitative ou les VCI (volumes complémentaires individuels), pour régler ces problèmes de surproduction.

« Ce qui fonctionne en Champagne n’est pas applicable en Alsace », fait-il observer, tant que les problèmes structurels et d’image ne sont pas réglés.

« Dans notre situation, tout volume d’appellation produit avec toutes les réserves, quelles qu’elles soient, pèse sur les prix. » En réalité, la mathématique des volumes est implacable : il faut un juste équilibre entre les volumes produits et la capacité des volumes mis en marché.

« Déjà annoncer la couleur sur les rendements 2024 »

Pour Raymond Baltenweck, « il faudrait commencer par maîtriser les rendements et annoncer aux producteurs la couleur tout de suite (sic) ». Un sujet qui, pourtant, ne semble pas figurer à l’ordre du jour des débats professionnels. Or les vignerons sont actuellement en train de tailler les vignes et donc de fixer les rendements pour 2024.

Une taille dont le nombre de bourgeons laissés sur chaque pied est globalement bien trop élevé et ne semble pas prendre en compte les difficultés de vente actuelles…

Discipline qualitative

L’autre sujet soulevé par Raymond Baltenweck concerne la discipline qualitative au sein de l’appellation : « Trop de grands crus, conduits au niveau viticole selon les exigences qui leur sont propres, ne sont pas revendiqués. À l’opposé, certaines parcelles en vins d’Alsace classiques sont en dépassement de rendement. »

S’ajoutent enfin les mouvements de concentration des opérateurs en vin d’Alsace qui se traduisent par une « distension du lien » entre le producteur adhérent et ses dirigeants, à un moment où les besoins de s’adapter et où les remises en cause sont des sujets importants et difficiles pour les exploitants. Selon l'ancien président de l'AVA, cette concentration présente un risque majeur déjà observé dans d'autres filières : « La défense de l’outil de production, mais pas du produit qui n’est pas à son juste prix, aboutit à une banalisation des vins d’Alsace. »

Ce qu’en pense Francis Backert, président du Synvira

« Par principe, la concentration des metteurs en marché va à l’encontre de l’ADN des Vignerons indépendants qui prônent la diversité de structures et la pluralité de l'offre. On regrette cette ultraconcentration, explique Francis Backert. Au-delà des fusions de coop, nous regrettons encore plus la disparition des petits négociants depuis une vingtaine d'années. »

>>> À lire : Bestheim et Wolfberger : une fusion de plus en Alsace

Sur le sujet des rendements, qui a parfois occasionné des débats estivaux très houleux dans le vignoble, Francis Backert président du Syndicat des Vignerons Indépendants d'Alsace (Synvira) estime, comme Raymond Baltenweck, qu’il s’agirait de « se prononcer le plus rapidement possible et de ne pas attendre ». Il va donc demander de mettre le sujet à l’ordre du jour.

Des raisons d’espérer

S’agissant de la régulation de la production face à la déconsommation structurelle, Francis Backert ne conteste pas l'analyse mais propose un autre levier d’adaptation des volumes à la capacité de mise en marché : celui d’allonger la mise au repos des parcelles avant replantation. Et pour certains secteurs du vignoble plus récemment plantés, il faudrait selon lui reprendre la main sur la gestion des autorisations de plantations confiés à l’Europe, « car des vignerons replantent rapidement pour ne pas perdre les droits ».

Enfin, Francis Backert constate, 20 ans après la mise en place de la loi Évin, ses effets très délétères : « Nous en étions à sauvegarder notre image, nous en sommes à nous battre pour notre survie. » Une situation d’autant plus dommageable à une époque où les émissions de cuisine font de l’audimat alors qu’aucun vin n’y est associé.

Néanmoins, le président du Synvira veut rester optimiste : « Certains domaines arrivent en 2023 à progresser de 5 %, certes au prix d’un travail énorme. Mais c’est qu’il y a encore des voies de progrès. »

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