« Le rôle de manager n’est pas inné » pour la viticultrice Pascale Croc

Pascale Croc s’est formée aux techniques managériales qu’elle applique désormais sur son exploitation. Cette viticultrice de Charente-Maritime, également coprésidente de Trame, association nationale en faveur du développement agricole et rural, travaille avec son époux, sa fille et trois collaboratrices. Le besoin de pérenniser les emplois sur l’exploitation et l’envie de parfaire ses compétences de manager ont été, pour elle, un moteur puissant.

« Se sentir bien dans ses bottes, bien dans sa ferme, bien dans son rôle de manager n’est pas inné », constate Pascale Croc, codirigeante de la ferme de l’Orée et coprésidente de Trame, un organisme de développement agricole et rural. Cette viticultrice de 51 ans regrette de ne pas avoir été suffisamment formée au management lors de ses études.

En 1997, après un BTSA analyse et conduite des systèmes d’exploitation, Pascale Croc s’installe avec son mari et son beau-père sur une exploitation charentaise à Thézac (17) : « Je n’étais pas originaire de la région, ni même issue du milieu agricole. Mes associés n’ont jamais mis en cause ma légitimité. En revanche, l’environnement extérieur, lui, était hostile. Les conseillers censés favoriser mon installation, ont essayé de me dissuader. Ils disaient que je ne serai qu’un poids financier pour l’exploitation. À l’époque, et même aujourd’hui encore, il y a une confusion entre être femme d’exploitant et être cheffe d’entreprise. » 

Une équipe de permanents sécurise l’exploitation

Cette installation mouvementée et l’envie de s’épanouir dans ses missions de cheffe d’entreprise ont mené cette viticultrice à s’intéresser au management. Ces éléments ne sont pas les seuls à avoir influencé la démarche de l’exploitante. En 1999, le père de Gary Charré, codirigeant de la ferme de l’Orée, prend une retraite anticipée. Après son départ, la ferme, qui compte alors 26 hectares de vignes et 114 hectares de grandes cultures, n’emploie plus que de la main-d’œuvre saisonnière.

« Quand je me suis installée, la crise du cognac n’était pas favorable à l’emploi permanent. Jusqu’en 2005, nous avons eu recours à des employés saisonniers pour les opérations de taille et de relevage de la vigne. Nous avons pris conscience que pérenniser les emplois de nos collaborateurs était une nécessité. »  À la ferme de l’Orée, l’activité viticole représente 70 % du chiffre d’affaires annuel, qui s’élève à 400 000 euros environ. Pour cette raison, une équipe de permanents sécurise l’exploitation, en plus d’améliorer la qualité des interventions. En effet, la taille doit être minutieuse. Des travaux mal réalisés compliquent le travail le reste de l’année et les suivantes.

Le projet d’entreprise donne du sens

Depuis 2005, la ferme de l’Orée adhère au groupement d’employeurs Cemes Emploi, lié au cercle d'échanges Cemes-Cesam, adhérent de Trame. Aujourd’hui, Pascale Croc et son mari emploient leur fille, une journée par semaine, et trois collaboratrices qui travaillent aussi chez un voisin. « Ce type d’organisation salariale requiert une communication fluide et régulière entre les adhérents du groupement. Nous devons établir des plannings et prioriser les urgences », confie Pascale Croc, qui souligne la nécessité de se montrer conciliant.

Pascale Croc se charge de l’organisation du travail à pied dans les vignes ; son collaborateur, lui, est référent du matériel et des équipements.
L’organisation du travail se réfléchit aussi en interne. Pascale Croc et Gary Charré savent tout faire sur l’exploitation, pourtant, chacun est référent dans un domaine. « Nommer des responsables est un moyen d’éviter la perte de temps et les malentendus. Ainsi, nos collaboratrices savent à qui s’adresser quand elles en ont besoin. Par exemple, j’ai la charge de l’organisation du travail à pied dans les vignes ; mon associé, lui, est référent du matériel et des équipements », précise cette viticultrice, qui distingue la gestion du quotidien de l’organisation à long terme.

Pour cette cheffe d’entreprise, animer une démarche de management implique de définir un projet d’entreprise et de communiquer sur ce projet pour y faire adhérer ses collaborateurs : « En 2012, lors de notre conversion vers l’agriculture biologique, la plus ancienne de notre équipe a nourri beaucoup d’inquiétudes. À force de discussions, elle a compris nos motivations. Nous avons accueilli sa parole et ses craintes, pour autant nous avons maintenu notre projet, car il avait du sens. Aujourd’hui, chacune reconnaît le confort que nous apporte le mode de production biologique. »

Des réunions concises et efficaces

En 2021, les collaboratrices de Pascale Croc et de Gary Charré soutiennent de revenir à l’organisation d’un séminaire. Après trois ans d’interruption, cet événement annuel reprend cette année : « Nous avions arrêté pour diverses raisons ; entre autres, le format d’une journée avait été jugé trop long. Désormais, ce séminaire se présente sous la forme d’une demi-journée suivie d’un repas partagé. Pour l’occasion, nous élaborons un ordre du jour dans lequel nous abordons les grands projets à venir et les objectifs à long terme, après avoir fait le point sur l’année écoulée et ses enseignements. Nos collaboratrices ont besoin d’actions concrètes. Nos réunions doivent être concises et efficaces. » Pour cette viticultrice, le projet de la ferme donne du sens au travail de tous. Son rôle de manager consiste à donner envie à ses collaboratrices de s’investir et de s’épanouir dans leurs missions.

En début de chaque semaine, une réunion précise l’organisation du travail pour la semaine à venir. Durant cette courte réunion, l’équipe est encouragée à exprimer ses idées. « Par exemple, si l’on intervient trop tard sur une parcelle et que cela augmente la pénibilité, nos collaboratrices pourraient me le reprocher. Elles sont plus souvent sur le terrain que moi. Pour cette raison, je les encourage à exprimer leur avis, car il compte dans mes prises de décisions. Être cheffe d’équipe ne veut pas dire que j’ai nécessairement raison », sourit la viticultrice.

Pascale Croc et son mari se sont formés au management dans le cadre d’une formation proposée par Trame. Pour la viticultrice, les techniques managériales renforcent ses compétences de femme leader et sa confiance en elle : « Il existe un lien étroit entre être bien avec soi-même et assumer pleinement son rôle de cheffe d’entreprise. Le travail collaboratif génère des tensions inévitables. Être en relation nécessite des compromis. Désormais, je relativise et je persévère, car rien n’est jamais acquis. »

La ferme de l'Orée compte 26 hectares de vignes et 114 hectares de grandes cultures.

Remettre la dimension humaine au cœur des fermes : un référentiel « haute valeur humaine » en préparation
Depuis le 8 juin 2023, Pascale Croc partage la présidence de Trame, une association de développement agricole et rural, avec Francis Claudepierre. Lors du Salon de l’agriculture, en mars dernier, Trame a lancé un appel auprès de l’ensemble des organisations agricoles pour la création d’un référentiel « haute valeur humaine ». Ce projet social ambitionne de remettre la dimension humaine au cœur des fermes.
Ce référentiel sera un document rédigé à plusieurs mains. Il s’articulera autour de quatre grands axes : partager des valeurs communes, être soi-même, améliorer ses pratiques et développer des organisations vertueuses.
« Nous avons déjà des partenaires historiques à travers les réseaux adhérents de Trame. De plus, notre appel a suscité l’intérêt de plusieurs partenaires nationaux avec lesquels nous collaborons régulièrement. La prochaine étape consiste à réunir l’ensemble des organisations qui se sont manifestées. Le temps de la construction collective viendra très prochainement », s’enthousiasme Pascale Croc.

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