Agridis a développé un concept de pilotage de la fertilisation, nommé Cérélia. Basée sur la technologie d’imagerie satellitaire et sur le conseil du technico, cette démarche est dès cette année développée sur près de 1 000 hectares chez les Ets Cosset. Et devrait être ensuite déployée chez 8 adhérents du réseau Agridis. Ambition: 10 000 hectares pour 2015.
Depuis l’automne, Laurent Marionneau et ses trois collègues technico-commerciaux du négoce Cosset proposent le service Cérélia à leurs clients. Cet outil de pilotage de la fertilisation azotée fait en effet ses premiers pas dans le négoce Cosset, basé à Saint-Pompain dans les Deux-Sèvres, auprès d’une trentaine d’agriculteurs. Développé par le réseau Agridis pour les cultures de blé et de colza, cet outil est basé sur l’imagerie satellitaire via Géosys.
En colza, les agriculteurs engagés ont ainsi reçu deux cartes de biomasse, une à l’entrée hiver, l’autre à la sortie hiver. Cette dernière carte était accompagnée d’une carte de préconisation pour l’apport d’azote, étalonnée selon la réglette Cetiom.
En blé tendre, trois clichés sont pris: en janvier, mars et avril. Tous génèrent des cartes de conseils azote et d’anomalies de croissance. Les deux premières préconisations d’apport d’azote se baseront sur un niveau de végétation, alors que la troisième sera fonction du niveau de chlorophylle de la plante qui témoigne d’une alimentation azotée correcte où à corriger. Des cartes matérialisant les niveaux de végétation, les risques de verse viennent compléter ce dispositif.
Objectif: augmenter le taux de protéine, en déclin depuis plusieurs années dans la région.
"Si la moyenne régionale était l’an dernier aux alentours de 10%, nous avons aussi eu des blés à 8,5%", déplore Cécile Jalleau-Cosset, actionnaire et responsable de l’Établissement Cosset.
Taux s’accompagnant de réfaction pour l’agriculteur, et de fermeture de débouchés à l’export pour le collecteur. C’est pour cela que le négoce a choisi de tester l’outil Cérélia…
"Mais nous avions nos exigences, sourit Olivier Jalleau, co-dirigeant du négoce. En effet, il n’est pas question que les cartes arrivent en retard par rapport aux besoins de nos clients. Il nous fallait de la réactivité! Pour le moment, tout se passe bien. Nous allons même faire avancer la carte de mars d’une semaine."
De plus, il n’était pas question de délivrer ses cartes sans un conseil personnalisé, qui prenne en compte les performances du désherbage et les spécificités de chaque parcelle :
"C’est important de donner les cartes de la main à la main – et en temps et en heure! –, car il y a plein d’autres choses à raconter", précise Laurent Marionneau.
Le technico-commercial a d’ailleurs la possibilité de retravailler les cartes selon la réalité parcellaire.
"Les cartes d’anomalie permettent d’approfondir les pratiques de l’agriculteur, en termes de décompactage ou d’analyse de sol", illustre Laurent Marionneau.
Cela étant, la majorité des agriculteurs ne sont pas équipés pour moduler l’apport azoté au sein d’une même parcelle: Agridis a enquêté auprès de 150 agriculteurs des bassins parisien et toulousain, et si 20% d’entre eux sont équipés, seulement 5% vont jusqu’au bout de la démarche.
"Les agriculteurs sont équipés, des cartes parcellaires sont disponibles, mais personne ne les aide à savoir comment faire dialoguer ces deux outils!, s’étonne Olivier Jalleau, qui a ainsi décidé à l’automne dernier de mettre en relation agriculteurs et concessionnaires locaux. Et bien souvent, on se rend compte qu’il ne manquait qu’un câble."
Les Ets Cosset proposent ce service Cérélia pour 13,5 euros/ha. Pour la prochaine campagne, 6 à 8 entreprises du réseau Agridis devraient eux aussi le proposer, pour environ 10 000 ha.
Deux agriculteurs témoignent
« Pas d’économie d’azote, mais… »
Pascal Grelier et Renaud Sonnard font partie des 28 agriculteurs qui ont choisi de tester Cérélia. Tous deux s’accordent à dire qu’ils ne font pas d’économie d’azote. Mais…
Pascal Grelier et son fils sont céréaliers sur 205 ha dans la plaine de Niort en culture sèche. Son assolement est basé sur le blé tendre, le blé dur, l'orge d’hiver, le tournesol, le pois, le colza et l'œillette. Son semoir Amazone acquis voilà cinq ans, possède la pesée embarquée, mais pas la cartographie. Il s’est équipé depuis cet hiver d’un boîtier GPS Switch en supplément du boîtier Amatron+ du semoir. Il n’a pas de coupure de tronçon et utilise juste le lecteur de carte. L’azote apporté est bien mieux réparti: "On voit le changement sur le boîtier, de plusieurs dizaines de kilos sur quelques mètres. S’il était possible d’avoir la même chose mais pour les engrais de fond, ce serait intéressant !"
Renaud Sonnard cultive quant à lui 115 ha de blé, 23 ha d’orge, 39 ha de colza, 33 ha de tournesol et 33 ha d’œillette, sans oublier une MAE Faune sauvage sur 15 ha. Il est équipé d’une console Trimble FMX 750, "car elle est capable de gérer tous les boîtiers". Son épandeur à engrais acquis en 2008 (Sulky X44 à pesée embarquée) est déjà équipé. "J’espère un gain de rendement de 4 à 5 q/ha. Lors de la moisson, je constate dans une même parcelle des différences de rendement de 50 à 60 q/ha! Je souhaite donc utiliser au maximum les cartes pour identifier les différents potentiels et ainsi affiner mes itinéraires techniques à la parcelle." Alors, à quand la modulation des semences et des fongicides au mètre carré? Concernant Cérelia, Renaud Sonnard aimerait déclencher lui-même la photo trois jours avant le passage. Mais il garde son bon sens paysan: "Les cartes, c’est une chose. On connaît nos parcelles aussi."
